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La sanction du cautionnement disproportionné

1. Le cautionnement est communément sollicité par les banques pour obtenir un financement.


Il permet à un créancier d’obtenir le paiement de la dette en actionnant le mécanisme de la caution lorsque son débiteur principal fait défaut.


Bien que simple, ce contrat non consensuel peut se révéler extrêmement dangereux pour celui qui y consent.


Portant sur un engagement éventuel et futur, le cautionnement peut ainsi se révéler lourd de conséquences pour la caution.


C’est ainsi que le droit commun des contrats mais également le droit de la consommation ont évolué afin de mettre en lien ce contrat avec le critère de proportionnalité, créant ainsi la notion de cautionnement disproportionné.


Le caractère disproportionné du cautionnement, permet à la caution d’être déchargée de ses obligations envers le créancier qui souhaite obtenir le paiement de la dette.


L’évolution jurisprudentielle relative à la disproportion manifeste du cautionnement permet de mettre en lumière l’originalité de la sanction élaborée par les différentes juridictions.


Deux textes du Code de la consommation mettent en avant cette notion en reprenant une formulation identique : les articles L332-1 et L343-4 qui prévoient que :


« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ». 


Il convient de préciser à titre liminaire le champ d’application de ces textes. Ainsi, ils sont applicable lorsque le créancier est un professionnel et la caution une personne physique.


Ces textes relatifs à la disproportion du cautionnement donnent lieu à un contentieux de masse, dont les différents tribunaux nationaux s’efforcent, avec plus ou moins d’unité, de préciser les contours.


Différentes possibilités s’offrent à l’avocat afin de régler la question de la sanction de l’engagement disproportionné de la caution. 


2. Dans un premier temps, il convient d’étudier la responsabilité du créancier.


Exigeant une faute de la part de ce dernier, la mise en oeuvre de la responsabilité ne peut aboutir, considérant que le créancier n’est soumit à aucune obligation de vérification quant à la solvabilité et à la proportionnalité des engagements de la caution garantissant le contrat principal.


En effet, cette obligation à la charge du débiteur principal résulte des dispositions l’article 2295 alinéa 1er du code civil : « Le débiteur obligé à fournir une caution doit en présenter une qui ait la capacité de contracter et qui ait un bien suffisant pour répondre de l'objet de l'obligation ».


3. D’autre part, une seconde alternative semble s’offrir au praticien, celle du droit commun des contrats.


L’article 1104 du code civil, dispose ainsi : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».


3.1 Cette disposition, mise en relation avec les arrêts de la haute juridiction rendus le 16 mai 1995 (Cass. Civ. 1ère 16 mai 1995 n° 92-20.976) et le 15 mars 2005 (Cass. Civ. 1ère 15 mars 2005 n° 01-13.018), permet de mettre à la charge du créancier une obligation d’information et de mise en garde à l’égard du créancier.


Ces décisions font apparaître que chaque partenaire est spontanément débiteur d'une obligation précontractuelle d'information qui constitue maintenant « une exigence de transparence qui oblige chacun des négociateurs à informer l'autre de tous les éléments propres à l'éclairer dans sa prise de décision » (D. MAZEAUD, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, in Mélanges J. Ghestin, 2001, LGDJ, p. 637, spéc. p. 642).


Cette obligation s’apparente avec celle qui existe en matière de prêt d’argent, pour cela la caution doit être non avertie et cette obligation est due lorsqu’au moment où la caution s’engage cet engagement n’est pas adapté à ses capacités financières. C’est l’hypothèse des cautionnements disproportionnés en droit commun des contrats.


3.2 Pourtant, une action orientée vers la perte de chance de ne pas contracter ne permettra à la caution que de bénéficier d’une indemnisation partielle. Cette solution n’est donc que moyennement satisfaisante.


4. La jurisprudence moderne intervient alors pour proposer des sanctions plus intéressantes en faveur de la caution.


C’est dans un premier temps, en 2010 que la jurisprudence délivre une sanction satisfaisante au bénéfice de la caution considérant que : « la sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution est l’impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement ; qu’il en résulte que cette sanction, qui n’a pas pour objet la réparation d’un préjudice ne s’apprécie pas à la mesure de la disproportion » (Cass. Com. 22 juin 2010, n°09-67.814). 


4.1 Ce sont deux autres arrêts de la Cour de Cassation qui viennent ensuite préciser les contours de cette sanction, il est d’abord question de la décharge des obligations de la caution à l’égard du créancier mais également à l’égard des autres cautions (Cass. 27 février 2015, Bull. Ch. mixte, n°2).


Par ailleurs, le principe de décharge intégrale a été réaffirmé par un second arrêt considérant que, le cautionnement n’est pas frappé de nullité mais sera considéré comme inefficace, la caution est ainsi intégralement libérée, de sorte que la décharge n’est pas que partielle, ce qui serai le cas si elle était limitée, par exemple, à la hauteur de la seule disproportion (Cass. Com. 28 mars 2018 n°16-25.651).


4.2 Afin préciser la portée de cette notion de disproportion manifeste, un arrêt rendu par la chambre commerciale le 5 septembre 2018 considère que, « si ne peuvent être pris en considération les revenus escomptés de l'opération garantie pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, il doit, en revanche, être tenu compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement » (Cass. Com. 5 septembre 2018 n°16-25.185)


Également à titre d’illustration, la Cour de Cassation, dans un arrêt récent rendu le 25 mars 2020, retient que :


« la cour d'appel a souverainement estimé que le cautionnement souscrit, qui représentait la totalité du patrimoine et trois années de revenus de la caution, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus déclarés. Elle en a exactement déduit que la banque devait être déchue de son droit de se prévaloir de l'engagement de caution souscrit. » (Cass. Civ. 1ère 25 mars 2020 / n° 19-15.163).


5. Considérant cette évolution, il apparaît que la sanction de la disproportion manifeste du contrat de cautionnement s’apprécie, à la lumière des arrêts de la Cour de cassation, comme une décharge des obligations de la caution. Cette décharge, rappelons-le, produit des effets erga omnes.


6. Pour autant ces solutions semblent être remises en cause, pour l’avenir, par la réforme éventuelle tirée de l’avant projet de réforme du droit des suretés réalisé par l’association Henri Capitant.


C’est à l’article 2301 de cet avant-projet de réforme que l’on retrouve l’idée d’un cautionnement réductible :


« Le cautionnement souscrit par une personne physique est réductible s’il était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, à moins que celle-ci, au moment où elle est appelée, ne soit en mesure de faire face à son obligation. »


Le Cabinet ROYER AVOCATS est à votre disposition pour vous assister sur ces problématiques notamment.


Thomas INCANDELA


Erick ROYER 

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